Emmanuelle FLOCH-GALAUD est bibliothécaire, elle vit à BORDEAUX.
Elle a vécu voici plusieurs années à REIMS et est toujours restée en lien avec NOVA VILLA.

 

Mon cher Papa,

Aujourd’hui, nous t’avons inhumé dans un petit cimetière du Lot-et-Garonne, sous un soleil doux et réconfortant.

En raison de l’épidémie actuelle, nous étions peu nombreux – onze -, nous nous sommes tenus à distance les uns des autres, la moitié du visage, pour certains, cachée dans un foulard – ce qui est d’ailleurs bien commode pour contenir son émotion.

En raison de l’épidémie actuelle, la cérémonie a été courte. Il n’était prévu ni fleurs, ni textes personnels, ni musique. Te voyant faiblir, je m’étais dit, il y a quelques mois, que la musique appropriée le moment venu aurait pu être le Stabat Mater de Pergolese. Le chant des oiseaux, le bruit d’un tracteur au loin l’ont remplacé ce matin.

En même temps, cette simplicité m’a plu, elle m’a rassurée, comme si l’essentiel n’était surtout pas dans le cérémonial mais dans un au-revoir tout simple qui laisse la part belle aux souvenirs. Je dis bien “au-revoir” car tu avais une foi communicative, mon cher papa. Tu ne faisais pas de prosélytisme (jamais !) mais tu vivais ta foi, sans fard, sans masque. Alors je sais que ce n’est qu’un “au-revoir” et pas un adieu et que, surtout, tu es bien, là où tu es.

Dans mes souvenirs d’enfant, tu étais un papa impressionnant, autoritaire, assez peu câlin. Le triptyque “militaire, catholique, breton” n’appelait pas une douce langueur dans ta posture au quotidien. Pourtant, au travers de ce cadre rigide, deux choses m’émerveillaient chez toi : ton amour pour ma maman (qui te le rendait bien) et cette capacité que tu avais de t’intéresser à l’autre. Tu accueillais en effet toute nouvelle connaissance comme un cadeau à découvrir, sans a priori. L’autre devenait un réel sujet d’intérêt, que tu faisais délicatement parler pour qu’il révèle ses centres d’intérêt, ce qui l’anime dans la vie. Y cherchais-tu une trace du divin ? En tout cas, j’ai adoré cette curiosité que tu avais envers autrui, une très belle qualité à mes yeux.

La retraite arrivant, tu as perdu de ton autorité. La maladie neurodégénérative arrivant, tu es retombé en enfance. Mais une enfance joyeuse car tu riais à contre temps, pour la grande joie de tes petits-enfants, Louise et Paul. Les derniers jours étaient plus douloureux et je suis soulagée que tu sois parti.

Tu es en paix maintenant.

J’oscille entre sérénité et tristesse. Le plus difficile ? Ne pas pouvoir soutenir maman comme je le voudrais, en raison de ce confinement. Tu m’as toujours dit qu’elle était forte, n’empêche, un gros morceau de son cœur s’en est allé.

Emmanuelle Floch-Galaud

 

 

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