Catarina ROBERTS rêve d’être écrivain un jour.
Elle est moitié britannique, moitié française.
Cette lettre, elle l’a écrite en anglais et traduite ensuite en français.
Bachelière en 2019, elle reprendra des études à l’automne prochain.
Elle a toujours 17 ans jusqu’en juin prochain.
Catarina a été l’une de nos jeunes reporters à NOVA VILLA.

 

Cher M’sieur Strummer,
(Joe me semble plus approprié, d’une certaine manière)

Le monde ne va pas bien, m’sieur. Près de dix-huit ans se sont écoulés entre votre mort et la date d’écriture de cette lettre, et je suis sûre que vous seriez plus heureux d’apprendre que les choses se sont améliorées. Je dois vous avouer, en toute honnêteté, que ce n’est pas le cas. Au contraire, m’sieur, je dirais qu’elles ont empiré.

Vous avez dit il y a bien des années que vous vouliez mettre le feu au cœur des gens à travers votre musique. Transmettre non pas la violence, mais la flamme. Il faut que les gens se réveillent et sentent la traînée de pétrole menant à la fenêtre du gouvernement et qu’ils allument la première allumette. Il s’agit de remettre les choses en question, n’est-ce pas, de refuser de laisser le flux vous transporter sans bien connaitre sa destination. Pourquoi certaines personnes sont-elles salement riches, alors que d’autres travaillent jusqu’aux os pour mettre du pain sur la table chaque soir ? Pourquoi sommes-nous censés consacrer notre vie à travailler pour les classes supérieures qui, franchement, n’en ont rien à faire ? Ce feu, m’sieur, que vous avez transmis était censé réveiller les gens et les faire sortir dans la rue. Mais les gens sont toujours assis et répètent toujours le même mantra : “ils savent ce qui est le mieux pour nous !”

M’sieur Strummer, je suis actuellement enfermée chez moi. Il en va de même pour la plupart de la population mondiale. Il y a un virus mortel qui fait le tour des villes, et nous attendons qu’il continue son chemin. Seulement, nous ne nous serions pas retrouvés ainsi, m’sieur, si le pouvoir n’était pas encore entre les mains de gens assez riches pour l’acheter. L’économie est encore plus importante que la vie humaine. Selon certains dirigeants, celles-ci doivent être sacrifiées pour le marché boursier. La vraie raison pour laquelle nous sommes enfermés, m’sieur, c’est parce qu’il est moins cher de nous laisser mourir chez nous que de nous soigner. Il est plus enrichissant de discréditer des médicaments abordables et de prendre le temps d’en développer de plus coûteux – et plus exclusifs. Il est bien plus facile de conseiller aux classes ouvrières de se taire et d’endurer et de rester à l’intérieur, pendant que vous êtes assis dans votre immense salon sur une île privée, que de prendre des décisions éthiques. Les gens sont toujours dehors à livrer des lettres, à scanner des bières à la caisse, et à conduire les bus de Londres, mettant leur vie en danger tous les jours, parce que s’ils ne le font pas, ils n’auront pas de toit sous lequel dormir dans quelques semaines. Et m’sieur, laissez-moi vous dire, personne ne s’en soucie. Personne ne s’en soucie !

Je vous écris, m’sieur, parce que je crois du fond du cœur que nous avons besoin de vous plus que jamais. Vous avez transmis votre feu au cœur de milliers de personnes, et je sais que vous pourriez le faire pour bien d’autres encore. Chaque révolution a besoin d’un leader, et nous n’avons jamais eu autant besoin d’une révolution. À l’heure actuelle, nous n’avons pas d’autre choix que de s’y plier, mais m’sieur, une fois que tout est fini, ceux qui sont au sommet devront payer. Ceux qui nous ont regardé mourir, coupe à la main et accompagnés de leurs dix médecins privés, doivent être traînés dans les rues. Il faut qu’on sorte là-dehors, m’sieur Strummer, mais les gens font semblant de ne pas voir ! Les discussions de révolte sont bien enflammées derrière porte close, mais quand des actions sont nécessaires, tout le monde est un bon citoyen. “Jamais eu de problème avec les flics, non m’sieur, jamais arrêté une seule fois !”. Jusqu’à quel point le monde doit-il dégénérer avant que les gens commencent à poser les bonnes questions ? Le foutu lavage de cerveau de la population continue, m’sieur Strummer, et je ne sais pas comment les réveiller. Nous avons besoin de quelqu’un comme vous, m’sieur. Nous en avons vraiment, vraiment besoin.

Vos chansons sont les mots de sagesse que vous avez laissés au monde, pour que nous puissions nous y accrocher. En ces temps sombres et éprouvants, nous ferions mieux de les écouter, avant de devenir la prochaine personne à suffoquer.
Avec une admiration sans fin.

“Parfois l’isolement est une bonne chose. Il peut mener à d’importantes découvertes”.

Catarina Roberts

 

Dear Mister Strummer,
(I feel like Joe’s more appropriate somehow)

The world is turning to shit, sir. Nearly eighteen years stand between your death and me writing this letter, ‘n I’m sure you’d be happier to hear things have somehow gotten better. I have to report that they have not. If anything, sir, I’d say they’ve gotten worse.
You said some years ago that you wanted to put fire into people’s hearts through your music. Not violence, but fire. People need to wake up and smell the oil trail leadin’ up to the government’s window and light the first damn match. It’s all about questioning things, isn’t it, ‘n refusing to let the stream carry you somewhere nasty. Why are some people stinkin’ rich, while others work themselves to the bone just to put food on the table every evening ? Why are we expected to dedicate our lives to labouring for the upper classes who, frankly, don’t give a shit ? That fire, sir, that you passed on was supposed to wake people up ‘n get them out onto the streets. But people are still sittin’ back and saying things like “they know what’s best for us !”.

Mister Strummer, I’m currently locked up in my home. So is most of the world’s population. There’s a deadly virus roaming from city to city, and we’re waiting for it to go on its way. Only we needn’t end up in this crisis in the first place, sir, if the power weren’t still in the hands of people filthy rich enough to buy it. The economy is still more important than human lives. According to some leaders, those must be sacrificed for the bloody stock market. The real reason we’re locked up, sir, is because it’s cheaper to let us die in our homes than to treat us. It’s more enriching to discredit affordable meds, and take time to develop expensive – and exclusive – ones. It’s better to tell the working classes to shut up and take it and stay inside, while you’re sitting in your huge leather-clad living room on a private island, than to make some ethical decisions. People are still out there delivering letters ‘n scanning someone’s beer can at a till ‘n driving a London bus, puttin’ their lives on the line every single day, because if they don’t they won’t have a roof to sleep under, and sir, let me tell you, no one could care less. No one could care less.

I’m writing to you, sir, because I believe from the bottom of my heart that we need you more than ever. You put that fire of yours in the hearts of thousands, and I know you could put it in the hearts of many more. Every revolution needs its leader, and we have never needed a revolution more. Right now we have no choice but to endure, but sir, once this is all over, the ones at the top need to pay. The ones who watched us die, sipping champagne with their ten private doctors, need to be dragged down the streets. We need to be out there, Mister Strummer, but people don’t have it in them ! Talks of revolt are all good behind closed doors, but when actions are required everyone’s a good citizen. No trouble with the cops, no sir, never arrested once ! How bad does it need to get, before people start asking the right questions ? The population’s damn brainwashed, Mister Strummer, and I have no clue how to wake them up. We’d do with someone like you, sir. We really, really would.

Your songs are the words of wisdom you’ve left behind for us to cling onto. In these dark and trying times, we’d better get listening, before we’re the next to choke.

With endless admiration.

Catarina Roberts

 

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