André PARISOT c’est la BOÎTE NOIRE, le théâtre d’Objets…
Pendant le confinement, la famille PARISOT, histoire de s’amuser, a trouvé l’inspiration avec le PANGOLIN et la CHAUVE-SOURIS.
Élisabeth, sa femme, et Annabelle, sa fille, ont invité Dédé à écrire une fable sur ces 2 animaux.
Par ailleurs avec son père, Annabelle a peint un “joli” PANGOLIN.
Comme ils le disent “la famille PARISOT a investi le PANGOLIN”.

 

LA CHAUVE-SOURIS ET LE PANGOLIN

D’abord, vous présenter les deux protagonistes.
Ils ne seront que deux, ça suffit sur la liste.

Une chauve-souris pleurait la tête en bas
Avec ses copines. Elle n’y était pas.
“Je suis dans une grotte coincée au fond des bois,
Mais le bois est parti et nous sommes narquois
De croire qu’il faut mieux béton au lieu de bois.
La nature se meurt et elle est aux abois.
L’homme ne nous aime pas et nous cloue sur les portes
Et nous sommes haïs autant que le cloporte.
Il nous a longtemps crus, vivant dans les enfers
Ignorant la lumière et les thuriféraires.
Il nous classe par ordre : “espèce de chiroptères”
De cette appellation nous sommes locataires !
Déjà nous sommes chauves, on nous prend pour bestiaux
Qui désespéreraient barbiers ou Figaro.
D’un corps et d’une tête de rongeurs équipées
D’une aile sombre et souple nous sommes gratifiées
Et pour coiffer le tout, la main au bout des ailes
Nous voilà baptisées, chiroptère. Quelle aubaine !
Que l’on soit pipistrelles, muscardins ou vampires
Toutes marques font peur et nous invitent à fuir.
Nous vivons en ténèbres, dans la noirceur céleste.
Cela colle à la peau et nous rend plus funestes.
Malgré ce qu’ils ignorent, ils nous croient nyctalopes
Par la gueule, par le nez, voilà nos télescopes !
Le son est si petit, que l’humain n’entend rien,
Et depuis des années nous sommes moins que rien !”

Voici pour le premier, allons vers le second
Il vit recroquevillé tout près de l’Achéron.
Au fond de sa savane, errait un pangolin
Qui se cherchait un nom, Augustin, Hugolin.
“Je ne sais qui je suis dans l’échelle du temps
L’espace laisse parfois des infinis béants.
Je ne sais où je suis dans les nomenclatures,
On me trie, on me classe, je suis ébouriffure.
On m’habille d’écailles, on me met un grand nez,
On me met quatre pattes dont deux mal apprêtées,
On m’équipe d’une langue très grande et trop poisseuse
Pour manger facilement des fourmis baladeuses.
Il est vrai, c’est prouvé, que ma vue n’est pas bonne,
Mon odorat est mieux, et mon ouïe m’aiguillonne.
On me chasse, on m’attrape, on me mure dans une cage,
Je n’ai plus comme espace que murs et vieux grillage
Prisonnier pour la science et médecine puante.
Pour que ces vieux messieurs aient nature bandante
On me coupe, on me râpe en très fines lamelles,
On me fait mijoter dans de vielles gamelles,
Trois cuillères pour le gueux, qui rêve de conquêtes
Pour partir au combat, son épée sera prête !
On m’apprécie beaucoup, partout couvert d’écailles
Mais être pholidote, n’est pas pour la racaille !”

Voilà nos deux bestioles au fond du désespoir.
Elles cherchent piteusement la fin de leurs déboires.
Pangolin en a marre de vivre dans un trou.
Chauve-souris en pétard envie le caribou.
Les voilà donc partis, chacun au bout du monde.
Mais les bouts de la sphère ne sont que mappemonde.
Ils tournèrent chacun, chacun dans le bon sens.
Et l’on vole, on galope, tout ça avec aisance.
“Nous voilà libres enfin ! Sans attaches, sans loyer !”
“Nous voilà seuls au monde !” Les voilà nez à nez !
Après cette surprise, qui fait rire à entendre.
“Est-ce cela qu’on nomme fourmi ou scolopendre ?”
Les deux individus se figent, se décortiquent.
“D’où peut-il bien venir ? De Suisse ou de Belgique ?”
Se demande chacun, tout en auscultant l’autre.
“Est-il Lucifer ? Ou simple bon apôtre ?”

Les deux regards enfin se croisent et s’interrogent
Appelant le dialogue et peut-être l’éloge.
C’est pangolin roulé qui le premier s’y colle.
Le discours est concis, sans aucune bricole.
“Tu me sembles bizarre avec ta robe noire !
Tu es quel animal ? Bigorneau, tamanoir ?
Tu es comme un oiseau à tête de souris,
Et tu n’as pas de plumes, c’est idiot et j’en ris !
Avec tes deux ailes, tu me parais minus !”
La chauve-souris vexée, ne put entendre plus.
“Oui, l’on pourrait croire que je suis faite de bouts
Ramassés, triés, collés et mis bout à bout.
Je ne suis pas sortie d’un atelier obscur,
D’un mélange chimique ou de quelques sulfures
Pour mitonner longtemps dans une grande marmite,
Surveillés, cajolés par un poussif ermite.
Je suis, ne t’en déplaise, un bout d’évolution,
C’est à Monsieur Darwin que je dois promotion.
Je suis la seule ici, dans toute notre espèce
À donner lait aux mômes, je vole, je suis déesse,
Et tu as ajouté dans ton trop long discours
Je m’en souviens encore : “je te parais minus”
“Ne ris pas de cela ! Je te donne un virus !”
“Un virus ? Qu’est-ce que c’est ? Et que peut-on en faire ?”
“Un virus ? Ignorant ! C’est comme une bestiole
Qui est comme un poison, sans flacon et sans fiole
On le jette dans l’air, il s’agrippe partout
Et celui-là qui passe, est saisi d’une toux.
Il tousse, il crache, il veut faire ses valises
Et s’il arrive au bout, la partie est remise.
Écoute Pangolin, ils te mangent, sont hâbleurs
Vengeons-nous, rions-en, et n’attendons pas l’heure !”

Souris dépenaillée donne à boîte en écailles
Un peu de son virus : il sera victuailles.
Il n’y a qu’à attendre que le germe fasse effet
Ils regardent, s’étonnent. “La nature me plaît !”
Pensent chacun pour soi, les pauvres bestiaux.
“Nous sommes honorables, nous ne sommes pas des veaux”

Ils apprirent dans la presse que tout allait très vite.
Les fièvres et la mort s’unirent dans un coït.
La terre se couvrit de mourants, de cadavres.
L’Homme se demanda : “Trouver un autre havre,
Un havre de repos, où nous pourrions attendre
Que virus soit parti, ou que nous nous sauvions
À l’autre bout du monde”. Que de tristes illusions !
Le virus partout, traquait le poumon faible,
Et laissait sur le tas : les riches, les pauvres, les faibles.
L’on se réunit en d’immenses colloques,
On essaya l’espoir et les vieilles bigotes.
Professeurs, politiques, mandarins polyglottes
Se mirent tous d’accord : “Il faut payer la note !”
Au bout de quelques mois et de réflexion,
On rangea les seringues, les masques et les trouffions.
Les malades soignés, tout redevint plus calme.
Les experts étonnés avaient du mal à l’âme.

“Que faire maintenant que le mal est parti ?
Et pourquoi ce virus leur donna du souci ?
Dérégler la nature, n’est-ce pas une erreur ?
Soyons moins gourmand en espace et en heure !
Que l’argent que l’on crée serve à la/une juste cause !
La terre dans nos folies a besoin d’une pause !
Nous sommes en équilibre, comme un jeune acrobate
En équilibre, j’ai dit ! Oublie que tu m’épates !
Sois juste et sois tendresse pour la terre qui te porte.
C’est ce qu’ont déclaré les savants à la porte.
C’est ce qu’ont entendu ces bêtes d’un autre âge.
Elles se sont réparées leurs chagrins, leurs outrages.
Elles se sont dit ensemble, juste avant de partir
“S’ils ne nous écoutent pas, nous pourrions revenir…”

André Parisot – Confinement Coronavirus / mai 2020

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