Silvano ANTONELLI est italien, il vit à TURIN.
Il dirige STILEMA, compagnie de théâtre “jeune public”.
“PERCHÉ” est un spectacle qui a marqué l’histoire de Méli’môme.
Silvano a écrit à G., l’homme qui le premier l’a fait travailler dans une compagnie, le TEATRO de l’ANGOLO de TURIN, alors qu’il était très jeune.
Cette lettre a été traduite de l’italien par Nadine l’une de ses amies.
Nous avons joint la version originale.

 

Mon très cher G.,

Il y a un an jour pour jour, tu as fait semblant de mourir.
Je me rappelle exactement ce jour-là. Je m’en rappelle dans tous ses détails.
Notre ami commun A. qui me téléphone, alors que j’étais en train de descendre les escaliers chez moi. Quand j’ai vu le numéro j’ai tout de suite compris. Tu n’allais pas bien depuis pas mal de temps mais le moment n’est jamais le bon.
Et puis la course pour aller chez toi. Ton enterrement. Les jours qui passent.
Tu n’étais pas mon vrai père. Tu étais le père de mes pensées.
Depuis ce jour de septembre 1974 durant lequel, assis sur un banc, tu m’avais parlé, à moi jeune garçon, de théâtre et tu m’avais dit que tu aurais été heureux de me prendre dans la Compagnie avec toi. Qu’on pouvait essayer de voir si c’était cela ma voie.
Et puis tant d’années, tant de mots, tant de lettres, tant d’instants.
Et tes coups de fils. Aux moments les plus inattendus. Pour me demander, en tournant mille fois autour du pot, si un certain spectacle avait marché ; si le théâtre, que tu sentais être aussi le tien, marchait bien. Si ce rêve qui remontait à si loin continuait, au moins un peu, à exister.
Tu vois G., la chose paradoxale est que, ces derniers temps, le malade le plus atteint c’était moi.
Me retrouvant soudainement à l’hôpital, avec une maladie lourde, et des soins compliqués.
J’ai tes mails, même ceux des derniers jours, dans lesquels c’est toi qui me demandais comment j’allais.
Et ton dernier coup de téléphone, inattendu, alors que je sortais d’un théâtre, à la fin d’un des premiers spectacles après la guérison. Tu étais heureux et ému. Tu me demandais si les enfants s’étaient amusés. Si j’arrivais à rester en scène.
Tu ne savais pas que ce jour-là j’avais joué. Je ne te l’avais pas dit. Je ne voulais pas que tu t’inquiètes. Et puis, tu sais, mes cheveux n’avaient pas encore repoussé et, je ne sais pas pourquoi, je ne voulais pas que tu m’imagines en scène avec les cheveux courts.
Qui sait pourquoi tu m’as téléphoné précisément ce jour-là.
Précisément à cette heure-là ?
Et qui sait ce que tu dirais en ce moment, pendant cette période étrange. Durant laquelle le théâtre est en suspens par décret du Président du Conseil.
Ne t’inquiète pas. Nous sommes toujours là pour imaginer des théâtres possibles.
Peut-être aurais-tu prononcé cette phrase ironique qui t’échappait de temps en temps. Cette phrase que je t’avais entendue dire, quand les choses étaient immenses, énigmatiques et impossibles à affronter. Cette phrase qui renfermait l’incapacité de l’âme à contenir les sentiments qui la bouleversent. Cette phrase ironique et désarmante qui semblait sortir toute seule, doucement, de tes lèvres.
La personne qui était à tes côtés durant tes derniers instants m’a dit que ce fut la dernière phrase que tu as prononcée avant de fermer les yeux : « Il vaut mieux que je me taise… »
Je suis venu te voir quelques fois dans le petit village où tu habites à présent. Dans ce petit cimetière où tu as voulu aller.
La dernière fois que je t’ai vu, devant ta tombe, quelqu’un avait laissé une petite bouteille de whisky et un cigare. Tes grandes passions. J’avais un petit sac de chocolats et je t’en ai mis un à côté. Je t’ai raconté « comment allait le théâtre » et puis tu es venu avec moi, comme toujours.
A mes côtés. Dedans.
Merci G., pour tout. Et pour le reste, « Il vaut mieux que je me taise… »

Silvano

 

Carissimo G.,

Esattamente un anno fa hai fatto finta di morire.
Ricordo bene quel giorno. Lo ricordo nei dettagli.
Il comune amico A. che mi telefona, mentre io stavo scendendo le scale di casa.
Quando ho visto il numero ho capito subito. Stavi male da tempo ma il momento non è mai quello giusto.
Poi la corsa a casa tua. Il tuo funerale. I giorni che passano.
Non eri il mio vero padre. Eri il padre dei miei pensieri.
Da quel giorno di settembre del 1974 in cui, seduti su una panchina, avevi parlato, a me ragazzo, di teatro e mi avevi detto che saresti stato contento di prendermi in Compagnia con te. Che potevamo provare a vedere se poteva essere la mia strada.
E poi tanti anni, tante parole, tante lettere, tanti momenti.
E le tue telefonate. Nei momenti più inaspettati. Per chiedermi, con mille giri di parole, come era andato un certo spettacolo; se il teatro, che sentivi anche tuo, ce la stava facendo. Se quel sogno di tanto tempo fa continuava, almeno un po’, ad esistere.
Vedi G. la cosa paradossale è che, nell’ultimo periodo, il malato più grave ero io.
Finito improvvisamente in ospedale, con una malattia impegnativa, con cure complicate.
Ho le tue mail, anche quelle degli ultimi tuoi giorni, in cui eri tu a chiedere a me come stavo.
E la tua ultima telefonata, inaspettatamente, mentre uscivo da un teatro, dopo uno dei primi spettacoli dopo essere guarito. Eri felice ed emozionato. Mi chiedevi se i bambini si fossero divertiti. Se ce la facevo a stare in scena.
Tu non sapevi che quel giorno avrei recitato. Non te l’avevo detto. Non volevo che ti preoccupassi. E poi, sai, non mi erano ancora ricresciuti i capelli e, non so perché, non volevo mi immaginassi in scena con i capelli corti.
Chissà perché mi hai telefonato proprio quel giorno lì? Proprio a quell’ora lì?
E chissà cosa diresti, ora, di questo tempo strano. In cui il teatro è sospeso per Decreto del Presidente del Consiglio.
Stai tranquillo. Siamo sempre qui a immaginare teatri possibili.
Forse avresti detto quella frase che ogni tanto ti sfuggiva. Quella frase che, quando le cose erano enormi, enigmatiche o inaffrontabili ti ho sentito dire. Quella frase che conteneva l’incapacità dell’animo a contenere i sentimenti che lo travolgevano. Quella frase ironica e disarmante che sembrava uscirti da sola, sommessamente, dalle labbra.
Chi era vicino a te negli ultimi istanti mi ha detto che è stata l’ultima frase che hai detto prima di chiudere gli occhi: “Meglio stare zitti…”.
Sono venuto a trovarti alcune volte nel paesello dove adesso abiti. In quel piccolo cimitero dove hai voluto andare.
L’ultima volta ho visto che, davanti alla tua tomba, qualcuno ha lasciato una bottiglietta di whiskey e un sigaro. Le tue grandi passioni. Io avevo un sacchetto di cioccolatini e te ne ho messo uno lì vicino. Ti ho raccontato “come va il teatro” e poi sei venuto via con me, come sempre.
Di fianco. Dentro.
Grazie G., di tutto. E, per il resto, “Meglio stare zitti…”.

Silvano

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