Éducatrice spécialisée en pause, cuisinière en dilettante, Laurence RÉMY est à présent auxiliaire de vie scolaire dans une école élémentaire rémoise.
Elle est passionnée par les mots depuis sa rencontre avec le sublime et percutant poème d’Arthur Rimbaud : “Le dormeur du Val”, quand elle avait 16 ans, âge auquel le poète l’a écrit.
Laurence est une spectatrice fidèle de Méli’môme.

 

Ma Claire chérie, ma douce amie, toi qui attends enfin un enfant,

Cette période tourmentée n’est pas vraiment propice à une grossesse en toute sérénité malheureusement. Et tu as peur, comme beaucoup de mères en devenir, de ne pas être à la hauteur… T’inquiète, tu apprivoiseras tes fragilités et sans vraiment t’en rendre compte, la force sera tapie en toi grâce à ce petit être étonnant dans tes entrailles, une fois qu’il en sera sorti !

D’ailleurs, tu connais mon fils, il est unique… C’est le seul enfant de ce foyer ! Et tu devines que ses amis lui manquent indéniablement : leur complicité enfantine, leurs disputes, leurs accolades, leur entraide, leur jeu du loup glacé, leurs rivalités, leurs embrassades… de petits êtres sociaux en formation !

Sa maitresse lui manque aussi, une des princesses de l’infusion du savoir !

Et il a hâte de revoir ses mamies !

C’est le seul marmot de cette maison et il se languit des balades au grand air sans limites à nos côtés, des petits tours avec détours sur l’asphalte ou dans les herbes folles, au gré du vent et des rayons du couchant !

Il chérit également le souvenir des nombreux spectacles vivants qu’il a eu la chance de voir dans les environs, où l’émotion vive nous arrive sans écran en pleine poire, où on baigne complice dans l’atmosphère de la scène, où on admire en direct la naissance du mouvement, où on voyage avec le ricochet de l’élan et où on partage et communie ! Ahh vivement les spectacles vivants !

C’est le seul bambin de ce nid chahuté par le confinement dans lequel on est retranchés en ces temps troublés… Mon mariole de quasi 6 ans m’inspire, m’aspire davantage, m’étouffe un peu par moment et heureusement respire, malgré son asthme, normalement…

Et on inspire aussi et on souffle beaucoup ensemble grâce à la sophrologie et nos gestes à l’unisson tatouent à nos carcasses l’ici et maintenant, en tentant d’excommunier les projections négatives ! Ce temps qui ne cesse de s’écouler au même rythme qu’avant finalement mais qu’on a le loisir infini de soupeser lors de cet enfermement, quand on n’est plus occupés évidemment !

Mon gosse, qui a perdu son grand-père il y a 2 ans, sait la mort et les combats, tel un enfant éveillé de son âge. Mon loulou de Poméranie, qui a 2 tantes courageuses infirmières, sait les engagements des êtres qui les dépassent même parfois… Je lui tais mes angoisses, qui ressurgissent la nuit tombée alors qu’il est dans les bras de Morphée… Je lui tais aussi les enfants aux yeux sans étoile, davantage maltraités coincés entre 4 murs, les femmes encore plus cognées, la crise financière qui se profile et l’incertitude qui en découle…

Mon môme s’adapte, semble à l’aise et se déploie sereinement, malgré quelques rares sombres remarques et un endormissement très élastique… Il expérimente, apprend, invente, se concentre, s’éparpille, doute, pleure et persévère ! Il s’agite, joue, crie, se met en colère, se révolte et négocie. Il danse, chantonne, crée, cuisine, s’évade, creuse, joue la comédie, rêve, dessine et colorie. Il s’énerve, nous énerve, s’apaise et se languit… Avec tout et n’importe quoi en guise de téléphone, il appelle aussi fictivement ses amis !

Soudain, il me dit alors qu’on savoure l’immense chance d’avoir un petit jardin :
« le confinement, c’est pas si mal maman parce que j’entends mieux le bruit discret des fleurs qui poussent, sans les pollutions des véhicules ! », Marius, mi amor, mon sucre lent, mon trésor !

Alors ma Claire, rassure-toi, comme beaucoup d’entre nous, tu seras sans nul doute délicat roseau, tuteur, joli cœur imparfait, maman fine armature de fer, de et face à l’enfant souvent merveilleux !

Laurence

 

Newsletter