Janet PINELA est directrice artistique du Cuatro Milpas Teatro à COLIMA au Mexique.
Nous l’avons reçue à Méli’môme avec “Hola Ola” en 2012, la première créatrice mexicaine invitée au festival.
Elle est membre du Centre National de Créateurs d’Art du Mexique.

 

Colima, Mexique, le 10 mai 2020

Ma chère scène,

C’est la deuxième fois que je t’écris. Comme tu t’en souviens sûrement, la première fois c’était il y a 30 ans, quand j’ai eu la joie de marcher sur les planches pour la première fois. La joie d’habiter l’espace théâtral dans cette ville bien-aimée.

Je t’écris aujourd´hui pour rendre présent l’absent : les histoires des autres, la fiction, les partenaires de scène qui répètent des phrases écrites par d’autres, et qui, à force de se les approprier, les rendent uniques, personnelles, authentiques.

Peut-être ne sais-tu pas à quel point je regrette de ne plus me tenir sur le bois vieilli du fond de la scène alors que les projecteurs m’éblouissent, de ne plus sentir les odeurs des tissus, du bois et de la rouille.
Tes possibilités infinies me manquent. Je regrette de ne plus être sur le devant de la scène, là où se termine la fiction et où commence la réalité.

La vie nous a infligé un réel coup dur. Ce qui est curieux, c’est que nous la voyons à travers les écrans. Le même thème, la même douleur, la même peur.
Et s’il nous était impossible de revenir à la vie que nous connaissons ?

Lorsque nous avons laissé la petite lumière sentinelle au centre de la scène, nous ne savions pas que marcher à nouveau dans les couloirs en cherchant des personnages oubliés entre tes anciens rideaux prendrait autant de temps.
Je pense que bientôt nous reviendrons et nous trouverons les fauteuils habités par nouvelles personnes et des enfants naïfs qui ne connaissent pas la mort.
Bientôt, on ne sera plus séparés. J´espère. On trouvera des filles et garçons naïfs qui ne connaissent pas la mort.
Comment allons-nous vivre le retour en ces lieux tant aimés ?
Comment retrouver la joie ?
Quelles seront les histoires de ce monde nouveau ?

Je lève les yeux de l’écran et je regarde un colibri qui butine des fleurs d’agave dans mon petit jardin. Ses ailes me donnent la réponse : la vie continue et la fiction sera son vol.

Au revoir, à bientôt.

Janet Pinela

 

Colima, México, a 10 de mayo de 2020.

Mi querida escena:

Es la segunda vez que te escribo. Como recordarás la primera vez fue hace 30 años con la ilusión de pisar las tablas por primera vez, con la dicha de habitar el espacio teatral de esa ciudad amada. Hoy te escribo para hacer presente lo ausente: las historias ajenas, la ficción, los compañeros de escena repitiendo frases escritas por otros que a fuerza de ponerlas en la propia piel, se vuelven únicas, personales, verdaderas.

Tal vez no sabes cómo extraño pararme en la madera añeja del foro mientras me deslumbran los reflectores. Sentir los olores de telas, madera y óxido. Extraño tus posibilidades infinitas. Extraño pararme en el borde del proscenio, allí donde termina la ficción y comienza la realidad.

La vida nos ha dado un tremendo golpe de realidad. Lo curioso es que la vemos a través de las pantallas. El mismo tema, el mismo dolor, el mismo miedo.
¿Y si no es posible regresar a la vida que conocimos?

Cuando dejamos la pequeña luz centinela en el centro del escenario no sabía que tardaría tanto tiempo en volver a caminar por los corredores, buscando personajes olvidados entre tus telones viejos.

Pronto, pienso. Pronto volveremos y encontraremos las butacas habitadas por personas nuevas, por niños inocentes que no conocen la muerte.

¿Cómo será regresar a esos espacios amados? ¿Cómo recuperar la ilusión? ¿Cuáles serán la nuevas historias del mundo nuevo?

Quito los ojos del monitor y veo un colibrí libando en las flores del maguey de mi pequeño jardín. Su alas me lo dicen todo, la vida continúa y la ficción será su vuelo.

Hasta siempre,

Janet Pinela.

Membre du Système National de Créateurs d’Art du Mexique.
Directrice Artistique du Cuatro Milpas Teatro, Mexique.
Première créatrice mexicaine invitée a Méli’môme avec “Hola Ola”, 2012.

 

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