Fenda GASSAMA
“Je suis mère de deux garçons. Complètement touchée par les inégalités socio-éducatives… rêve d’un monde égalitaire et surtout d’un continent Africain en paix et autonome. Bien évidemment, une spectatrice émerveillée par les spectacles de Méli’môme.”
Fenda est une partenaire importante et précieuse de Nova Villa, au titre de l’A.F.E.V..

 

Chère petite fille,

Comment vas-tu ? Peut-être que “comment te sens-tu”, serait plus approprié ?

Je t’imagine dans cet appartement type 4 de la banlieue parisienne dans lequel tu vis avec toutes ces personnes. C’est une sacrée composition familiale ! Il y a ce couple qui parle une langue que tu ne comprends pas et qui reste enfermé dans leur chambre. Puis, tes deux cousins trentenaires. Le plus jeune est marié, a trois enfants, deux filles âgées de 5 et 4 ans, un garçon de 2 ans. Et toi, au milieu de toutes ces personnes !

Un beau jour, ta maman t’a dit que tu rejoindrais ton cousin. Tu vivras avec lui et tu iras à l’école en France parce que c’est bien là-bas et que ce serait une bonne chose pour toi. Du haut de tes 6 ans que tu venais à peine d’avoir, tu ne pouvais pas mesurer tout ce que cela impliquerait.

Tu es montée dans cet avion et te voilà vivant avec des personnes plus ou moins bienveillantes et attentionnées à ton égard. Tes cousins te font des sourires quand vous vous croisez dans cet appartement et parfois une petite blague de circonstance. La femme de ton cousin très embêtée par ce quatrième enfant que les aléas du mariage lui imposent, se montre peu affective. En l’absence de son époux, elle ne manque pas de te faire savoir le poids que tu représentes pour elle.

Tu es très observatrice pour ton âge et tu comprends assez vite la situation. Tu t’adaptes ! Tu comprends que tu dois te faire petite, encore plus petite que tu ne l’es. Tu restes bien sage ! Tu ne veux pas faire d’histoire dans ce mariage qui ne tourne pas rond.

Fort heureusement, il y a une vie en dehors des quatre murs de cet appartement. Le parc dans lequel tu peux y retrouver des enfants de ton âge. Cette grande bouffée d’air frais qu’est l’école.

Tu es plutôt bonne élève. Tu comprends ce que dit la maîtresse et tu es assez autonome pour avoir de bonnes notes sans qu’il n’y ait un accompagnement à la scolarité à la maison.

Ce matin, presque trente après, je pense à toi. Je pense à toutes ces petites filles qui sont heureuses de sortir de leur prison tous les matins pour respirer cet air frais à l’école. J’y pense parce que depuis le 16 mars, il n’y a plus d’école ouverte. Plus d’air frais pour vous ! Vos rêves sont suspendus, tout comme vos espoirs. Personne ne vous explique ce qui se passe avec des mots d’enfants. On vous laisse écouter des conversations d’adultes par-ci, par-là. On vous laisse écouter ce qui se dit dans les médias. Libre à vous d’interpréter et de comprendre.

Ne sois pas triste car tu retrouveras cette école et cette classe. Et puis, tu as raison de t’accrocher à tout ce savoir que tu acquières dans ce lieu. Cette connaissance te rendra libre ! Libre d’exister, libre de vivre, libre de penser, libre de décider et libre d’être heureuse !
Ce foutu virus que personne ne maîtrise n’aura pas le dernier mot ! Ta soif de connaissance et de liberté remportera la partie.

Continue à y croire et nous en rigolerons peut-être dans trente ans !

Fenda Gassama

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