Véronique BORNE est connue pour son accueil bienveillant au CELLIER. Elle appartient à l’équipe permanente.
C’est une grande lectrice.

 

Papa,

La semaine dernière c’était ton anniversaire et je n’ai pas pu te rendre visite, confinement et amende de 135 euros pour déplacement abusif m’en ont dissuadée, cela m’a permis de me remémorer notre relation père-fille et quelques souvenirs communs.
Lorsque nous étions petits, mes sœurs, mon frère et moi et que nous te décevions, tu nous disais que les parents ne choisissaient pas leurs enfants mais qu’ils devaient faire au mieux de leur capacité pour les éduquer car il n’existait pas de manuel pour cela.
Sais-tu ce que je pensais ? Que les enfants non plus ne choisissaient pas leurs parents et que si cela avait été possible j’aurais changé de mère, du moins pendant mon enfance.
Pourtant, après analyse de vos rôles parentaux, il apparait que tu en es aussi responsable.
Lorsque votre première fille est née tu partais à l’armée pour 18 mois et lorsque tu en es revenu cet enfant avait comblé le vide que maman éprouvait de ton départ.
Il était temps pour toi d’avoir ton fils, voulais-tu rééquilibrer la balance familiale ?
J’ai pris mon temps pour pointer le bout de mon nez, 2 ans mais ta plus grosse déception a été mon sexe, une deuxième fille, à ce propos, maman m’a raconté que pour en être certain tu avais demandé à l’infirmière de m’ôter mes langes ? Je te reconnais bien là, comme Saint Éloi, tu ne crois que ce que tu vois, sache que j’adore cette anecdote.
Alors, tant pis si j’étais une fille, maman avait son enfant, qu’à cela ne tienne tu aurais le tien et la compétition a commencé entre vous, qui avait le meilleur enfant, qui serait le meilleur parent ?
Tu n’as pas pris la peine de t’intéresser à ta fille ainée, ni à ton fils et à cette autre fille que vous avez eu après, tout comme maman ne s’est pas intéressée à moi.
Pendant ce temps vos filles étaient orphelines d’un de leur parent.
Je ne regrette rien, pour moi tu as été le meilleur des papas, la pêche, la chasse, les récoltes de champignons, les découpes de bois pour l’hiver et surtout notre travail de ferrailleurs m’ont toujours été préférables à l’entretien d’une maison.
J’étais, comme le disais maman “L’amour de ta vie”, jusqu’à ce que cela ne soit plus vrai et que les épreuves de la vie nous rattrapent.
Cela nous a tous changé, tu as détourné le regard de ta famille et tu es descendu du piédestal sur lequel je t’avais placé.
Ce fût l’époque du grand changement et celle de mon adolescence, des sentiments nouveaux se profilaient, la fraternité et un lien maternel solide.
Cela a duré quelques années puis la “Grande” s’est mariée et vous êtes devenus grands-parents d’un petit garçon puis, je me suis mariée (oui, je sais tu y as gagné un fils) et je suis devenue mère à mon tour d’une boucle d’or comme tu l’appelais.
Et là, avec maman, vous êtes repartis dans votre compétition du plus beau, merveilleux et intelligent de vos petits-enfants.
À ce jour tu as 12 petits-enfants et 7 arrière-petits-enfants, lors de nos réunions familiales nous leur parlons souvent de toi, en bien comme en mal.
Quel aurait été ton rôle dans leur éducation ?
Nous n’en saurons jamais rien puisqu’à l’aube de tes 46 ans la grande faucheuse s’est abattue sur toi, nous laissant seuls face à notre désarroi.

J’ai composé et fait graver un poème pour le premier de tes anniversaires loin de nous, je vais donc te l’écrire pour conclure cette lettre.

Papa,
Pour ton anniversaire que pouvons-nous t’offrir ?
Sinon ces quelques vers qui nous font tant souffrir.
Courte fût ta destinée,
Trop tôt tu nous as quittés.
C’est dans nos tristes cœurs,
Qu’est ta dernière demeure.
Et malgré ton au-delà,
On t’aimera toujours PAPA.

À jamais, TA FILLE.

Véronique Borne

 

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