Stéphanie DUTENT est AESH, assistante d’éducation en situation de handicap en collectif.
Elle participe au projet de NOVA VILLA, “PARTENARIAT entre 2 classes de 2 collèges”.
Maman solo, elle a 3 enfants, des adolescents de 15, 18 et 19 ans.

 

Reims, le 16 avril 2020

Papa,

Un petit mot pour te donner des nouvelles. Même si on se téléphone tous les jours. Même si on a essayé la visioconférence et j’ai bien compris que ce n’est pas ton truc. Tu as toujours été allergique aux nouvelles technologies !
Pour être honnête, c’était un peu égoïste. Nous étions heureux de te voir mais toi, avec cette foutue maladie oculaire, qu’as-tu pu voir dans ce petit écran de téléphone ? Des contours ? Des couleurs ?

Tout d’abord, on va bien et le soleil est avec nous. Cette curieuse période m’a fait découvrir une chose incroyable : la sortie des ados de leur grotte !
Et quelle découverte ! Un vrai bonheur de partager, discuter, débattre, rire… sans un seul conflit. Chacun a mis ses capacités au service de notre petite communauté. Alors le premier est notre guitariste mais pas seulement, apprenti cuisinier et communicant en zénitude. Le deuxième est devenu notre réparateur en tout genre, bricoleur, informaticien. Le plus jeune est pianiste et graphiste. La cuisine est devenue sa galerie d’art et le salon sa salle de concert. Sans oublier cet homme qui malgré les centaines de mètres qui nous éloignent est là, cet homme dont les sentiments, le soutien et le sourire sont indéfectibles. Quelle chance d’être si bien entourée, d’une telle diversité…

Toutefois j’avoue que la fameuse “surcharge mentale” s’est allégée. Les jours s’écoulent doucement sans les multitudes de rendez-vous. La vie n’est plus planifiée à la seconde près, les post-it ont disparu du frigo et du buffet. La culpabilité de ne pas être parfaite envolée ! Si seulement ces fameux masques pouvaient éviter d’inspirer à nouveau tous ces virus du quotidien !

Et le travail, une nouvelle approche dans la bienveillance, l’ouverture, et les gentils messages de mes élèves. Le scolaire aussi où étudier n’est plus seulement les cours mais aussi le quotidien, ce qui nous entoure. Il y a les amis, avec eux aussi on prend le temps de se parler et de se voir… par écrans interposés. Et puis juste les quelques personnes croisées lors de sorties avec qui on échange un sourire, un bonjour.

Waouh ça aura permis ça, à méditer pour l’après !

Alors pour moi, confinement rime avec temps ! Du temps pour soi, pour les autres, pour se réinventer, créer, apprendre, s’ennuyer, profiter, partager, penser.

Et il y a toi, 750 kilomètres nous séparent. Mes allers-retours mensuels pour venir te voir, sur un week-end, me manquent. Pas facile d’être seul sans elle. Un an et demi qu’elle nous a quittés, il faut vivre sans ses rituels, ses fantaisies. Cela peut sembler contradictoire mais pourtant réaliste. L’âge n’arrange rien, et ton système immunitaire non plus. Tu es dans les plus fragiles mais je te sais prudent. Pour une fois, ce caractère d’ours t’est utile ! L’incertitude de l’avenir est source d’angoisse. Une échéance de sortie serait la bienvenue, en attendant il faut vivre au jour le jour.

Nous t’embrassons,

Ta fille,

 

Newsletter