Christelle PERNON vit à QUINSAC dans la grande banlieue bordelaise, elle est maman de 2 enfants.
Ingénieure en électronique, elle a un Master 2 en management culturel.
Elle a monté un bureau de production pour accompagner les artistes qu’elle choisit.
C’est une grande passionnée de jazz.
Elle a participé à la formation “médiateurs jeune public” organisée par Nova Villa et La Scène, à REIMS.
Elle est convaincue et passionnée par le “jeune public”.

 

Joël,

Pour répondre à ton message : moi, ça va, mais ma tribu, pas très bien.
Ma grande de 11 ans et ma petite de 6 ans ont toutes les deux un sommeil de plus en plus défectueux : non seulement elles s’endorment de plus en plus tard, ne trouvent plus leur sommeil avant 23h, mais la plus petite nous rejoint dans notre lit quasiment toutes les nuits depuis 10 jours, entre 2h et 5h du matin, prétextant un cauchemar.
Quand on en discute au réveil, elle nous parle de la sorcière du dessin animé de la semaine dernière, du monstre sous son lit ou d’une mouche qui l’a énervée. Bref, tu l’auras compris : tout est prétexte au cauchemar ! C’est peut-être révélateur d’un mal-être plus profond.

Et pourtant, nous tentons de les préserver au maximum dans un cocon : une maison à la campagne avec jardin, leurs 2 parents à la maison en télétravail, de bons petits plats-maison quasiment tous les jours, leurs dessins animés préférés à disposition…
J’adapte leur rythme quotidien pour les accompagner le matin dans leur travail d’écolières, afin qu’elles soient ensuite libres l’après-midi.
J’ai même déniché des dictées Harry Potter pour motiver la plus grande, vu qu’elle est fan !
Et puis, dès qu’on peut, on se rend disponibles pour sortir avec elles, aller se promener, faire des jeux, une séance ciné sur le canapé, etc.
Elles ont donc beaucoup d’atouts de leur côté pour, a priori, ne pas trop souffrir de cette période #restezchezvous.

Mais voilà, ça commence à peser sérieusement !
Elles ne voient plus leurs amies, leurs maitresses leur manquent, et puis, elles se lassent de ces #visioapéros du vendredi soir ! Et nous aussi en fait.
“Je suis en manque d’interactions sociales” me dit ma grande (qui a un vocabulaire développé, je le concède), et d’ajouter “avec des personnes autres que ma cellule familiale”… (Prends ça dans les dents !).
“On ne parle que de ce coronavirus tout le temps, tous les jours” dit ma petite, “ça me saoule, vraiment, ça me saoule ! Alors on arrête d’en parler, d’accord !”

Tout cela les travaille beaucoup.
Et on a beau être plein de ressources, on se retrouve démunis face à leur mal-être et leur anxiété.

À l’annonce de la reprise possible de l’école, elles ont éclaté de joie !
Même si elles n’ont pas encore compris que ça ne sera pas “comme avant”…
La petite a peur d’attraper là-bas ce “coronamerdus” comme elle dit, et de nous le redonner.
La grande espère juste avoir sa meilleure amie dans son groupe de classe.
Nous allons donc les laisser expérimenter cette rentrée particulière.
Mais, s’adapteront-elles à cette école quasi paramilitaire ?

Du côté des adultes, la sphère professionnelle s’est insidieusement insérée dans le quotidien, elle a envahie le salon, la table, les placards, et parfois le jardin, seul endroit où je peux m’isoler pour discuter tranquillement, sans que des petites oreilles se baladent.
Bref, on perd tous nos repères : notre maison est notre lieu de travail, notre travail est à la maison, l’école est à la maison, et nous on vit où du coup ?

Je trouve très peu de temps pour moi : enseigner 2 niveaux scolaires, répondre aux sollicitations professionnelles, se tenir informée dans les médias, gérer les courses, le ménage, les nuits hachées, etc.
Dès que j’ai une minute de répit, je me réfugie dans la musique, pensant qu’elle seule peut sauver mon âme.

Il y a quelques jours, sur Facebook, je tombe sur une version maison d’Alfonsina, interprétée par Avishai Cohen, le contrebassiste israélien. Splendide !
Peu de temps après, un copain me dit qu’il veut l’enregistrer à la trompette, et me demande d’enregistrer et arranger la partie piano. Oui, Mille fois oui !
Jouer pour moi, chanter pour moi, rien ne vient, l’envie n’est même pas là.
Par contre, jouer, même à distance, pour d’autres, avec d’autres, alors là, oui !
Quand je fais de la musique, mon esprit se déconnecte, s’envole et s’éloigne des préoccupations quotidiennes. Mais si en plus je peux la partager, recréer ce fameux “lien social”, faire du beau, alors tout est réuni pour que je m’y remette.

Finalement, c’est peut-être ça la solution : qu’on fasse plus de musique ensemble !
Je dois plus en proposer aux filles, qu’on la fasse ensemble, qu’on la partage, pour qu’elles s’évadent elles aussi.

Tu sais, sans ta relance, j’aurais botté en touche.
Écrire n’est pas un réflexe naturel pour moi, je n’en ressens pas l’urgence.
J’ai même la sensation que c’est plus douloureux que salvateur.
La musique m’a toujours procuré un apaisement naturel, indispensable pour canaliser mes émotions, les apaiser, pour ensuite être plus disponible aux autres.
Et puis, en lisant les superbes Lettres de tous ces artistes, autrices, auteurs, journalistes, etc., qui manient tellement bien la langue, je me suis demandée si j’étais bien légitime à en écrire une.

Je crois que cette Lettre arrive à sa fin.

Merci de m’avoir finalement poussée à l’écrire, j’ai passé un beau moment à la faire. 😉

Bien à toi,

Christelle

 

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